Europe : le projet de simplification des obligations de reporting de durabilité, dévoilé

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La Commission européenne a présenté son projet de directive dite « Omnibus », ce mercredi 26 mars. Le texte apporte des modifications substantielles aux directives CSRD et CSDDD. Il prévoit une réduction du champ d'application pour certaines entreprises et un report des délais de publication, répondant ainsi aux appels à une simplification drastique du paysage réglementaire européen. Cependant, l’impact de la nouvelle directive sur la transparence et l'atteinte des objectifs de durabilité à long terme soulèvent des questions.

Le projet de directive, présenté par la Commission européenne, est la réponse à la déclaration de Budapest et aux recommandations de Mario Draghi qui ambitionne de diminuer d'au moins 25% les obligations de publication d'informations pour les entreprises. La Commission Européenne a donc ainsi confirmé son engagement à proposer un « train de mesures omnibus sur la simplification » de la publication d'informations en matière de durabilité.

Le seuil de 500 Salariés est le nouveau critère d'exemption pour la CSRD

L'article 1er du projet de directive prévoit une exemption des obligations de reporting de durabilité pour :

- Les émetteurs qui sont de grandes entreprises ne comptant pas plus de 500 salariés en moyenne au cours de l’exercice.

- Les émetteurs qui sont des entreprises mères d’un grand groupe ne comptant pas plus de 500 salariés en moyenne, sur une base consolidée, au cours de l’exercice.

Ce seuil de 500 salariés (actuellement 250 salariés) devient donc un critère déterminant pour définir le champ d'application de la CSRD. Il exclut potentiellement un nombre important de grandes entreprises qui auraient été initialement concernées par les exigences détaillées de la directive. Pour la Commission, cette mesure vise à cibler plus précisément les entreprises ayant un impact significatif en matière de durabilité, tout en allégeant la charge administrative pour les entreprises de taille intermédiaire. De plus, l’exécutif européen justifie cette simplification par la nécessité de favoriser la compétitivité et la résilience des entreprises, en particulier dans un contexte économique mondial complexe. L'idée est d'éviter une surcharge réglementaire qui pourrait freiner l'innovation et la croissance.

 Cependant, si ces entreprises ne sont plus tenues de publier des informations sur leurs enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la vision globale de la durabilité au sein de l'économie européenne pourrait être moins complète. Les investisseurs et les autres parties prenantes pourraient avoir moins d'informations pour évaluer la performance en matière de durabilité d'un segment non négligeable du marché.

Report des dates de publication des reportings de durabilité

Le projet de directive (article 1) prévoit également un report conséquent des délais de publication des informations en matière de durabilité pour certaines catégories d'entreprises. Ainsi, pour les entreprises de la deuxième vague, c'est-à-dire les grandes entreprises ne comptant pas plus de 500 salariés et celles comptant plus de 500 salariés mais qui ne sont pas des entités d'intérêt public, le reporting serait repoussé de deux ans, commençant à partir de l'exercice 2027 au lieu de 2025.

De même, pour les PME cotées, les établissements de petite taille et non complexes (sous conditions), et les entreprises captives d’assurance ou de réassurance de l’Union (également sous conditions) bénéficieront d'un délai supplémentaire. Elles devront publier leurs informations en matière de durabilité à partir des exercices commençant le 1er janvier 2028, ou après cette date. La date initiale prévue était le 1er janvier 2026. Ce report de deux ans vise à offrir aux plus petites structures un temps d'adaptation face à ces nouvelles exigences réglementaires.

Cependant, ce délai supplémentaire pourrait aussi entraîner un risque de procrastination et donc un retard dans l'intégration des considérations de durabilité au sein de ces entreprises. Or, les grandes entreprises soumises à la CSRD dépendent souvent des informations fournies par leurs fournisseurs, y compris les PME, pour leur propre reporting. Un report pour les PME pourrait complexifier la collecte d'informations dans les premières années d'application de la CSRD.

Simplification des normes

La Commission propose également de simplifier les normes d'information en matière de durabilité (ESRS). La révision des ESRS vise à réduire le nombre de points de données obligatoires en supprimant ceux jugés les moins importants et en donnant la priorité aux points de données quantitatifs par rapport au texte descriptif. De plus, la proposition introduit un régime de participation volontaire pour certaines grandes entreprises, leur permettant de publier des informations sur leur alignement avec la taxinomie de l'UE de manière volontaire. Pour la Commission, cette disposition permettrait de réduire les coûts de mise en conformité.

Un an de délai supplémentaire pour la transposition de la CSDDD

Concernant la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), l'article 2 du projet de directive modifie l’article 37 de la directive (UE) 2024/1760 en reportant d’un an le délai de transposition et l’application de cette directive pour le premier groupe d’entreprises relevant de son champ d’application. Cette décision signifie que les entreprises auront une année supplémentaire pour se préparer à mettre en œuvre les mécanismes de devoir de vigilance sur leur chaîne de valeur.

Rappelons que la CSDDD impose aux entreprises d'identifier, de prévenir, d'atténuer et de remédier aux impacts négatifs de leurs activités sur les droits de l'homme et l'environnement tout au long de leur chaîne de valeur.

Transposition d'ici fin 2025 et entrée en vigueur

L'article 3 du projet de directive de simplification prévoit que les États membres doivent transposer l’article 1er (report des dates de publication des reportings), au plus tard le 31 décembre 2025 et communiquer à la Commission le texte de leurs mesures de transposition. La directive entrera en vigueur le jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, marquant le début d'une nouvelle phase dans la réglementation du reporting de durabilité en Europe.

Réactions et perspectives

Les réactions des parties prenantes sont mitigées. Certaines entreprises et associations professionnelles saluent la simplification et le report des obligations, soulignant la nécessité de donner plus de temps aux entreprises pour se préparer. D'autres, notamment des groupes de la société civile, insistent sur l'importance de maintenir la sécurité juridique et la stabilité réglementaire, tout en soutenant les objectifs du pacte vert pour l'Europe.

En définitive, si ce projet de directive vise à répondre aux préoccupations du monde des affaires, notamment en raison du contexte économique et géopolitique difficile, il marque un net recul des ambitions européennes en matière de durabilité. Il reste à voir comment ce changement de cap sera perçu par les défenseurs de l'environnement et les investisseurs engagés dans la finance durable. Le défi réside dans la recherche d'un équilibre délicat entre la simplification administrative et la nécessité d'une transparence accrue pour une économie plus durable et responsable.

Samorya Wilson

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