Omnibus : les Commissaires aux comptes en alerte

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Le projet législatif Omnibus, actuellement en discussion au niveau européen, suscite des inquiétudes chez les commissaires aux comptes. Ce texte, initialement conçu pour simplifier et rationaliser les réglementations environnementales, sociales et de gouvernance (CSRD – CS3D- Taxonomie), pourrait avoir des conséquences inattendues et potentiellement néfastes pour la profession.

Le projet législatif Omnibus introduit plusieurs changements majeurs qui impactent directement les commissaires aux comptes, notamment en ce qui concerne leur rôle dans le reporting extra-financier et la durabilité. Ainsi, l'un des points les plus controversés du projet est qu’il aboutit à la sortie de près de 80 % des entreprises initialement concernées par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), du dispositif. En effet, alors qu’elle devait s'appliquer à environ 50 000 entreprises, la CSRD ne concernerait à terme plus que 10 000 sociétés environ, si le projet Omnibus était voté en l’état.

Le visa de durabilité en question                      

Avec moins d'entreprises soumises à l'obligation de reporting, le rôle des commissaires aux comptes dans l'audit des informations extra-financières serait automatiquement limité. Ce qui remet en question l'utilité d'investissements récents que bon nombre d’entre eux ont réalisé dans des formations spécialisées, comme le visa durabilité, une certification visant à attester de leurs compétences en matière d'audit ESG. Cette situation a notamment suscité des questions lors du webinaire organisé par la CRCC de Paris, le 4 mars dernier.  Pour Camille Boivin, Président de la CRCC de Paris, ce report crée un climat d’incertitude pour les professionnels : « Avec ce report, se pose la question de savoir s’il faut continuer à se former pour le visa de durabilité ».  Une interrogation partagée par de nombreux commissaires aux comptes ayant déjà investi du temps et des ressources dans cette certification.

Philippe Vincent, président de la CNCC, s’est montré rassurant en invitant les CAC qui ont démarré leur formation au « visa durabilité », à la poursuivre, car cela permet de « valoriser les compétences des commissaires aux comptes, tant en matière d'audit traditionnel que d'expertise en durabilité ».

Un risque de dérégulation

Selon Philippe Vincent, le projet Omnibus est le résultat d'une « d’erreurs dans la conception du Pacte Vert, combinée à un virage politique au sein de l’Union européenne qui tend vers un vrai schéma de dérégulation ». Pour lui, cette situation, exacerbée par des facteurs internationaux, menace de compromettre la crédibilité de l'ensemble de la démarche ESG. Il redoute que l'affaiblissement des obligations en matière de transparence mette en péril l'objectif initial du Pacte vert européen : « Ce que l’on oublie derrière tout cela, c’est l’objectif de protection de la planète et de préservation de l’avenir de nos enfants ».

En effet, certains observateurs voient derrière cette simplification annoncée, une véritable dérégulation du contrôle financier et extra-financier des entreprises. Pour les CAC, le risque est d'autant plus grand que le projet de directive laisse une place importante à l'auto-déclaration et aux reportings volontaires, sans garantie qu’ils soient les seuls habilités à les vérifier.

Des pistes d'action pour la profession

Face à ces enjeux, la CNCC entend jouer un rôle actif dans les discussions en cours au niveau européen. Elle a aussi entamé des échanges avec les autorités françaises, notamment la Direction Générale du Trésor et le ministre de l’Économie, afin de faire valoir la nécessité d'un équilibre entre simplification et maintien d'un cadre réglementaire robuste.

Toutefois, malgré les défis, le projet Omnibus pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les commissaires aux comptes. Ainsi, certaines entreprises, bien que non obligées, pourraient choisir de maintenir un reporting volontaire, créant ainsi un marché pour des services d'audit spécifiques. Mais Philippe Vincent met en garde contre le risque de voir ces missions confiées à des consultants ou des organismes tiers, soulignant l'importance pour la profession de défendre son expertise et son rôle. Il souligne cependant que « le besoin de transparence et le besoin de confiance sur les données qui permettent de s’assurer que les entreprises vont dans le bon sens, demeurera et même prendre de l’ampleur. »

Quelle issue pour le projet Omnibus ?

Bien que le texte ne soit encore qu'à l'état de projet, son adoption pourrait profondément remodeler la profession de commissaire aux comptes. Avec un Parlement européen très divisé sur la question et un contexte politique mouvant, l'issue de ce projet législatif reste incertaine. Selon Philippe Vincent, « tant que la transposition n'est pas faite, le seul droit qui s'applique est le droit actuel ».

En définitive, une chose est sûre : les commissaires aux comptes devront redoubler d'efforts pour défendre leur place dans ce nouvel équilibre réglementaire en construction.

Samorya Wilson

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