TRIBUNE – par Thilo Hitz est directeur de la division ESG chez EQS Group –
Le Parlement européen a adopté le paquet Omnibus I le 16 décembre, finalisant les modifications apportées à la directive sur le reporting extra-financier des entreprises (CSRD) et à la directive sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CSDDD). Ainsi, le périmètre des deux cadres a été progressivement réduit, en réponse aux préoccupations liées à la charge réglementaire et à la compétitivité économique.
La simplification et le recentrage des obligations ESG visent à renforcer la sécurité juridique tout en préservant leur applicabilité opérationnelle. Toutefois, l’idée selon laquelle moins d’obligations formelles, signifie moins d’efforts concrets, notamment pour les PME, doit être nuancée.
Les exemptions formelles n'éliminent pas la pression ESG
Si l’Omnibus I relève certains seuils de déclaration et allège des obligations légales, il ne fait pas disparaître la demande de données ESG. En pratique, cette pression s’exerce toujours par d’autres canaux : les institutions financières ont besoin de ces informations pour répondre à leurs propres exigences réglementaires et de gestion des risques, tandis que les grandes entreprises les intègrent de plus en plus dans leurs relations fournisseurs, leurs contrats et leurs processus d’achats.
Pour de nombreuses PME, être exclues du périmètre formel de certaines réglementations ne signifie donc pas un véritable allègement opérationnel. Même sans obligations directes au titre de la CSRD ou de la CSDDD, les attentes ESG persistent, souvent sous la forme de demandes multiples et non coordonnées, générant une complexité accrue et une duplication des efforts.
Une réalité réglementaire bien connue des organisations françaises
Cette dynamique n'est pas nouvelle pour les entreprises françaises. Les grandes sociétés sont déjà soumises depuis de nombreuses années à des obligations nationales de diligence raisonnable, notamment celles découlant de la loi sur le devoir de vigilance. Par conséquent, de nombreuses organisations sont habituées à gérer des exigences ESG qui vont au-delà des obligations formelles de reporting et qui sont façonnées à la fois par les attentes réglementaires et celles du marché.
La promesse initiale de la CSRD : la normalisation plutôt que la fragmentation
Lors de son introduction, la CSRD visait non seulement à étendre le reporting en matière de développement durable, mais aussi à réduire la charge globale liée au reporting grâce à la normalisation.
Les cadres volontaires tels que le VSME peuvent encore constituer une référence pragmatique pour les petites entreprises, en tant qu'alternative plus légère à l'ESRS, permettant ainsi aux organisations de taille moyenne d'établir des rapports plus efficaces et conformes à la législation. Mais même les cadres volontaires exigent des processus clairs, des responsabilités bien définies et des systèmes fiables pour la collecte et la gestion des données ESG.
Implications pour les entreprises à l'avenir
Pour les PME en France et dans toute l'Europe, la question centrale n'est pas de savoir si elles relèvent du champ d'application d'une directive, mais plutôt dans quelle mesure elles peuvent répondre efficacement aux exigences ESG actuelles. La professionnalisation des processus de reporting, les solutions numériques évolutives et la capacité à utiliser les données ESG dans des contextes réglementaires, financiers et commerciaux deviennent indispensables.
Omnibus I peut simplifier les règles juridiques, mais il ne modifie pas de manière significative la réalité économique du reporting ESG. Les entreprises qui considèrent les nouveaux seuils comme une occasion de faire une pause ou de retarder leurs efforts risquent de ne pas être préparées aux attentes des investisseurs, des banques et des partenaires commerciaux, car le véritable soulagement ne vient pas d'une réduction des obligations, mais de moyens plus efficaces pour les remplir.
