Blockchain vs tiers de confiance : pourquoi choisir ?

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Une tribune de Dieudonné Mpouki, Président du GIE Infogreffe.

L’immuabilité des données inscrites dans un registre décentralisé de type blockchain complète le rôle proactif de contrôle opéré par les tiers de confiance assurant une mission dite de police économique. La combinaison de ces deux mondes est l’occasion pour ces derniers de se transformer afin de renforcer leur efficacité tout en facilitant la création de nouveaux services hautement sécurisés.

Parmi les ruptures technologiques vouées à refaçonner le web, il en est notamment une qui va radicalement impacter la vie économique des entreprises. Il s’agit de la blockchain. Ce protocole permet en effet de stocker des registres de données ou de transactions en tout genre sur un grand nombre d'ordinateurs interconnectés en réseau. Chacun d’entre eux fonctionnant comme un nœud se contrôlant mutuellement, une simple réconciliation des registres permet d’en déterminer l’authenticité. C’est tout l’intérêt de ce mécanisme, dont la décentralisation rend théoriquement les registres infalsifiables et transparents. Cette propriété s’adapte à un grand nombre d’usages pour les entreprises, de la gestion des chaînes d'approvisionnement à l'authentification et la protection des données en passant par la création de contrats intelligents.

Une blockchain sécurisée par des tiers de confiance

De quoi rendre obsolètes les tiers de confiance et autres organes de contrôle qui sécurisent la vie économique depuis des décennies ? C’est en réalité le contraire. Car ces derniers ne sont pas des agents passifs dans la tenue d’un registre comme le sont les mineurs d’une blockchain. Mieux, ils mettent en œuvre des contrôles et des vérifications avec une légitimité que leur confère leur neutralité voire, s’agissant des officiers ministériels, l’Etat. Prenons les données légales des entreprises. Devenues des quasi-commodités, celles-ci irriguent le web et les écosystèmes numériques via un grand nombre d’applications. Mais cette libre circulation génère en retour de nombreuses failles contre lesquelles seul un système de vérification proactif, ou de police économique, est en mesure de lutter efficacement. A l’inverse, une blockchain, surtout quand elle est publique (c’est-à-dire ouverte à tous), n’est pas exempte de tout risque. Car s’ils se surveillent entre eux, la myriade de mineurs qui assurent le stockage des données dans des protocoles dits « ouverts » ne sont pas contrôlés individuellement. Autrement dit, qui contrôle les contrôleurs ? Jusqu’ici théorique, ce risque est néanmoins réel.

Opposer la dimension infalsifiable et immuable que permet un protocole décentralisé à l’authentification opérée par un tiers de confiance, centralisé par construction, a donc peu de sens, tout simplement parce que les deux systèmes ne sont pas de même nature. Une blockchain n’est pas autoportée, elle n’est qu’un outil, alors qu’un tiers de confiance emporte une responsabilité. Mieux, les potentialités de l’un complétant avantageusement les qualités de l’autre, leur combinaison offre une opportunité inédite pour renforcer la sécurité finale des opérations. En découle l’émergence de blockchains privées connectant les officiers ministériels entre eux. Si leurs membres sont certes moins nombreux que dans une blockchain publique, leur nature-même et la gouvernance de leurs interactions offrent un degré de confiance inégalé. Un exemple. Alors que la criminalité financière a besoin de créer des structures juridiques pour mettre en place des actions de fraude, de blanchiment ou de financement d’activités illicites, la répertorisation des différents justificatifs exigés lors de la création d’une entreprise au sein d’une blockchain privée distribuée auprès des greffiers de tribunaux de commerce permet aujourd’hui de détecter de façon beaucoup plus efficace les potentielles falsifications, renforçant in fine la validité des titres d’identité émis.

Une meilleure maîtrise de la chaîne de la donnée

Loin de générer une quelconque concurrence, les protocoles de type blockchain sont donc un facteur de transformation puissant pour les tiers de confiance. Ils leur permettent en effet de renforcer leur capacité à mener à bien leur mission première de sécurisation et de transparence de la vie économique, tout en facilitant la création de nouveaux services ouverts et robustes. La combinaison du meilleur de ces deux mondes offre ainsi une meilleure maîtrise de toute la chaîne de la donnée, depuis sa création jusqu’à son utilisation concrète dans un grand nombre d’usages métiers. A l’heure où les « cyber-menaces » se multiplient et sapent la confiance des acteurs économiques, la vitalité et la compétitivité du tissu entrepreneurial sont à ce prix.

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