« L’expert-comptable de demain doit être un bon technicien et conseiller »

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Jacques-Joseph Bouyer, responsable recrutement de Baker Tilly France nous explique la manière dont l’entreprise de conseil, d’audit et d'expertise comptable, qui affiche 2200 salariés sur le territoire national, compte augmenter des effectifs. En effet, trouver des profils adaptés aux nouveaux enjeux des fonctions comptables reste difficile. À l’aune de l’intelligence artificielle et des problématiques de durabilité, les cabinets d’audit doivent se démarquer pour attirer les candidats.

LMD : Pouvez-vous nous parler des défis actuels du recrutement dans le secteur de l'expertise comptable ?

J-J. B. : Aujourd'hui, le recrutement dans ce domaine est devenu complexe en raison de la spécialisation accrue de nos métiers et des attentes élevées en termes d'expertise technique et commerciale. Nous recherchons une plus grande variété de candidats aux compétences diverses, notamment en matière de conseil, IT et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), particulièrement sur la CSRD pour la partie audit légal. Nous ne recrutons donc plus tout à fait les mêmes profils qu'avant.

LMD : Quels sont les profils les plus en tension ?

J-J. B. : Nous rencontrons des difficultés particulières à recruter des profils seniors autonomes, notamment dans l'expertise comptable et l'audit. Les métiers spécialisés comme ceux liés à la cybersécurité restent également très tendus, car ils sont très recherchés sur le marché. 

LMD : Constatez-vous un désintérêt croissant pour les études en comptabilité ?

J-J. B. : Oui, il y a un certain désamour pour les métiers de l'expertise comptable, souvent perçus comme moins attrayants par rapport à une carrière en finance ou en management. Les étudiants préfèrent souvent des parcours qui semblent plus dynamiques et rémunérateurs en allant, par exemple, sur les autres métiers de la finance. Nous devons donc donner plus d’attractivité à nos métiers en combattant les clichés, par exemple, « on ne rencontre jamais son client », « la dimension conseil est inexistante », « l’expert-comptable n’est qu’un expert technique » et la période fiscale est très dense.

LMD : Les écoles forment-elles suffisamment de professionnels adaptés aux besoins actuels ?

J-J. B. : Il est vrai que certaines écoles n'ont pas su s'adapter aux évolutions du métier. Elles continuent à se concentrer sur des formations traditionnelles sans intégrer les nouvelles compétences nécessaires. Nous cherchons donc à collaborer avec des écoles qui offrent une approche plus “ouverte”, notamment celles orientées vers le business et le conseil. Cependant, nous avons toujours besoin de bons techniciens de la comptabilité. Nous dispensons également des formations complémentaires, techniques ou business afin de faire monter en compétence nos collaborateurs. En fait, l’expert-comptable de demain doit être un bon technicien avec une très grande dimension business et conseil.

LMD : Comment l'intelligence artificielle impacte-t-elle le métier ?

J-J. B. : L'IA transforme notre profession, mais elle ne la remplace pas. Elle prend en charge les tâches répétitives, mais le besoin d'analyses complexes et de conseils personnalisés demeure crucial. Si certains métiers vont être davantage impactés, les comptables doivent toujours être capables de comprendre et d'interagir avec les clients et surtout de les conseiller. C’est leur plus-value. Ainsi, nous sommes là et nous avons encore de beaux jours devant nous. 

LMD : Quelles initiatives prenez-vous pour fidéliser vos collaborateurs ?

J-J. B. : Nous mettons un point d'honneur à offrir un « onboarding » solide et des parcours d'intégration personnalisés. Nous attachons de l’importance à la formation dans la maîtrise technique de nos métiers, mais aussi tout au long de la carrière de nos collaborateurs à travers des programmes variés. Par exemple, nous avons lancé des initiatives pour accompagner nos employés dans leurs projets entrepreneuriaux, associatif, ou leur permettre d'explorer d'autres métiers au sein de l'entreprise en France ou à l’international. Nous tenons également à protéger l’équilibre vie privée/vie professionnelle qui constitue un axe prioritaire de notre politique RH.

LMD : Quelles sont vos perspectives d’embauche à venir ?

J-J. B. : Globalement, nous projetons d’augmenter notre effectif au-delà des 2200 actuels, à hauteur de 3000 collaborateurs d'ici à 2030. Sur ces trois-quatre dernières années, nous avons embauché en moyenne 300 personnes en CDI par an. Ce plan de recrutement ambitieux se réalisera via nos croissances externes et notre croissance endogène, mais ainsi que l’alternance. Ainsi, nous comptons 10% d’alternants dans nos effectifs et nous enregistrons un taux de transformation de leur contrat en CDI de 58%.

LMD : Mais la concurrence est rude. Alors comment vous démarquez-vous ?

 J-J. B. : Nous nous considérons comme challenger des Big Four. Si globalement nous offrons un système d’avantages sociaux équivalent, la différence réside dans le fait que nous restons une entreprise internationale à taille humaine. Chez nous, chaque collaborateur est valorisé en tant que membre à part entière d’une équipe. De plus, notre ancrage territorial offre de nombreuses possibilités de mobilité interne. Notre force réside dans notre politique RH et nos valeurs fondamentales qui restent : l’audace, la confiance, l’engagement et le collectif.

 

Propos recueillis par Samorya Wilson

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