Les comptables vont changer le monde !

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Une tribune de Laurent Lamoureux, Associé, Directeur métier expertise comptable chez BDO France.

Alors que le rôle qui leur est confié dans la transition écologique et sociale est chaque jour plus important, les entreprises sont à la recherche du levier qui leur permettrait de passer du discours aux actes et de transformer en profondeur leur modèle de création de valeur. Les PME (qui emploient 28,5 % des salariés pour 24 % de la valeur ajoutée nationale) et les MIC sont en particulier confrontées à ces enjeux sans disposer de modèles ou d’outils adéquats.

Pour conduire cette transformation, les métiers de la comptabilité (experts-comptables, trésoriers, auditeurs, contrôleurs de gestion, directeurs financiers, etc.) seront clés dans les années à venir. Et pour cause : les comptables sont partout. Ils déploient dans tous les types d’entreprises et dans tous les secteurs un cadre normalisé au niveau international qui structure notre économie : la comptabilité.

Leur métier consiste d’ailleurs non seulement à comptabiliser, mais surtout à rendre compte : la comptabilité est un métier d’information et de communication. Or la transparence des données est aujourd’hui la clé de la transition écologique. La comptabilité est une arme anti-greenwashing. Le reporting s’appuie en effet sur une méthodologie avec des indicateurs précis, des objectifs, un suivi, bref du concret.

Auprès des grandes entreprises et des ETI, le rôle des comptables en matière de reporting est déjà sur le point d’être révolutionné. La nouvelle directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD), qui prévoit notamment un élargissement des obligations à près de 49 000 entreprises en Europe, va en effet conduire à une normalisation sans précédent des indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) communiqués auprès des investisseurs.

Ce n’est pas tout. La comptabilité climat mondiale est en passe de devenir réalité. L’International Sustainability Standards Board (ISSB) créé en 2021 à Glasgow lors de la COP26 planche sur une réforme du référentiel IFRS (référentiel international de comptabilité défini en 2005) pour y « intégrer les risques physiques liés au changement climatique et à la transition » et devrait présenter les premières normes dès le mois de juin, comme l’a annoncé son président, Emmanuel Faber.

Les comptables opérant dans des entreprises de plus petite taille (comme les près de 20 000 experts-comptables) auront également un rôle déterminant à jouer. Si la directive CSRD n’aura qu’un impact indirect à court terme sur leur activité, ils peuvent s’attendre à un renforcement de la réglementation sur le reporting des données ESG. Un exemple : l’article 8 de l’avant-projet de loi industrie verte permettrait au gouvernement, si la loi est votée, d’introduire un dispositif d’exclusion des marchés publics et des contrats de concession pour les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations prévues par la CSRD.

Pour les comptables, le sens de l’histoire s’inverse. L’apparition des IFRS avait eu tendance à banaliser leur expertise ? Ils reprennent une position centrale dans l’entreprise, au croisement des directions de la RSE, de la stratégie et de la communication. Responsables de la rédaction du futur rapport de durabilité pour les entreprises concernées, comprenant à la fois des données financières et extra-financières, les comptables seront au cœur de la collecte et du partage des indicateurs ESG, un trésor inestimable permettant souvent de se faire une idée plus juste de la performance réelle de l’entreprise que des états comptables circonscrits aux seuls résultats financiers.

La profession peut être fière de cette nouvelle mission : elle a, j’en suis convaincu, toutes les ressources pour changer le monde !