Une tribune de Sabine de Paillerets, Associée en droit social, BCTG Avocats.
Les ordonnances du 22 septembre 2017 dites « Macron » désormais inscrites à l’article 1235-3 du code du travail ont tout à la fois abaissé le plancher des indemnités judiciaires octroyées en cas de licenciement abusif et plafonné leur montant, opérant une modification profonde du sens communément admis de la réparation quasi automatique du préjudice subi par le salarié licencié abusivement. L’objectif de ce barème était d’améliorer la sécurité des employeurs qui devaient faire face à une multitude de décisions plus disparates les unes que les autres quant au quantum des indemnités perçues par les salariés licenciés abusivement.
A cet égard, le Conseil constitutionnel qui a validé ces ordonnances le 21 mars 2018, a justement rappelé que ce barème poursuivait un objectif d’intérêt général en renforçant la prévisibilité des conséquences d’un licenciement abusif et en rappelant que les planchers et plafonds prévus par le barème correspondaient aux moyennes constatées des indemnisations accordées par les juges.
Quelques décisions récentes de conseils de prud’hommes se sont prononcées contre la conventionalité du barème qui, ne permettant pas la réparation du préjudice « adéquat », serait contraire à la Charte sociale européenne et à la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT). Toutefois, leur portée doit rester limitée, bien qu’elles aient suscité un engouement certain dans les médias, en raison de leur motivation approximative et des faibles montants en jeu.
La décision contraire du 26 septembre 2018 du conseil de prud’hommes du Mans est intéressante en ce qu’elle pose la question de la conventionnalité du barème comme une discussion à plusieurs strates. D’une part, elle a admis le caractère adéquat de la réparation accordée par le barème qui n’est pas contraire à la convention de l’OIT. D’autre part, elle a confirmé que cet accord est d’effet direct, permettant aux salariés de l’invoquer à l’encontre de leurs employeurs devant le juge national.
Si les cours d’appel ne se sont pas encore prononcées sur ces décisions prud’homales, il convient de rappeler que le Conseil d’État a validé dans sa décision du 7 décembre 2017, le barème, qu’il ne juge pas contraire à la convention de l’OIT et à la Charte sociale européenne.
L’une des plus hautes juridictions françaises a donc jugé que le barème est conforme à la notion de réparation du préjudice par des montants « adéquats ».
Ce que l’on apprend enfin de ces décisions, c’est que plusieurs normes nationales et européennes sont soulevées et que la question se pose de leur hiérarchie entre elles et de leur application directe, tout du moins pour celles issues des institutions européennes.
Par ailleurs, nul n’ignore aujourd’hui que le barème est inapplicable en cas de licenciement nul pour harcèlement ou discrimination, ce que certains salariés ont bien compris en attaquant désormais les licenciements sur ce fondement. Les juges se trouvent saisis d’une inflation de demandes de licenciements nuls comme si chaque licenciement était habité par une situation de harcèlement ou de discrimination à l’encontre du salarié. C’est une nouvelle situation d’insécurité qui pèse sur les employeurs, ce que le législateur avait tenté de leur éviter avec ses ordonnances.
Les arrêts de cours d’appel, puis de la Cour de cassation, qui devraient être saisies des décisions prud’homales invalidant l’application du barème sont donc très attendus, sauf à considérer que les montants en jeu, étant particulièrement faibles, justifient les dépassements octroyés, maillon faible des ordonnances Macron, mais sur quel fondement ?
Sabine de Paillerets, Associée en droit social, BCTG Avocats