Une tribune de Frédéric Thienpont, juriste fiscaliste, directeur associé du cabinet d’expertise comptable et d’audit GMBA.
Le gouvernement a reculé une première fois en 2017 devant la mise en œuvre complexe de la retenue à la source, reportant d’un an l’entrée en vigueur de la mesure fiscale. Suite à la communication d’un certain nombre de défaillances techniques lors de la phase test en 2018, le bruit d’un nouveau report, qui aurait signé l’arrêt de mort de la mesure, a ressurgi pendant l’été. C’est seulement le 4 septembre 2018 que le Premier ministre a mis fin aux rumeurs et confirmé l’entrée en vigueur de ce nouveau prélèvement qui met en place un système inédit en France : les entreprises deviennent collectrices de l’impôt.
Si la retenue à la source est accueillie positivement par l’opinion publique et inscrira la France dans le continuum de ses voisins européens, sa mise en œuvre est cependant crainte du côté des contribuables comme du côté des entreprises. Ces dernières n’ont en effet plus que quelques mois pour se préparer à répondre aux exigences de leur nouvelle fonction et aux interrogations de leurs salariés, qui se verront à la rentrée prochaine retirer une partie significative de leurs revenus et dont on pourrait redouter la réaction au changement.
La réforme, en introduisant une modification systémique dans la collecte de l’impôt qui ne sera plus assurée par l’Etat mais par les entreprises, les met face à un nouveau défi qu’il ne faut pas sous-estimer. Dès le 1er janvier 2019, les entreprises auront en effet de nouvelles obligations et responsabilités :
- appliquer le taux de la retenue à la source transmis par l’administration fiscale à chacun de leurs salariés ;
- retenir le prélèvement à la source sur le salaire net ;
- déclarer les montants prélevés pour chaque bénéficiaire de revenus ;
- reverser enfin à la DGFIP les prélèvements à la source.
Dans la mise en œuvre pratique de la réforme, il convient en premier lieu de vérifier avec son service de paie ou son prestataire qu’il est bien en capacité de mettre en application le nouveau dispositif au 1er janvier, c’est-à-dire de s’assurer auprès des éditeurs de logiciels et des services de paie qu’ils sont prêts à implémenter les données de l’administration fiscale via un flux retour de la déclaration sociale nominative (DSN).
Sur le plan technique et à des fins de communication, l’entreprise peut prévoir au cours des prochains mois en amont de la réforme, l’établissement d’un second bulletin informatif « prélèvement à la source », mentionnant à la fois le taux applicable, le montant de la retenue à la source et le salaire net d’impôt, pour faciliter la mise en œuvre de la réforme au 1er janvier. Les salariés comme les entreprises en sortiraient gagnants. Les salariés pourraient vérifier si le taux appliqué est bien celui indiqué dans leur déclaration d’impôt. Les entreprises pourraient anticiper un afflux de demandes de renseignements et d’acomptes de la part de leurs employés.
Au-delà de l’aspect technique de la réforme, la formation du personnel et la communication sont clés dans l’exercice de cette nouvelle fonction à la charge des entreprises. Un travail de pédagogie serait ainsi opportun pour accompagner ce changement directement auprès des salariés. A titre d’exemple, les chefs d’entreprise peuvent organiser une réunion d’information à destination des salariés afin de les renseigner sur ces changements, anticiper les questions et rappeler que l’interlocuteur à privilégier reste somme toute l’administration fiscale. L’ensemble de ces mesures pourrait permettre aux entreprises de faire face à la réforme plus sereinement.
Frédéric Thienpont, juriste fiscaliste, directeur associé du cabinet GMBA