Dossier spécial : experts-comptables et startupers, rencontre entre deux mondes ! (3/3)

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

expert-comptable-start-upLa génération start-up est en marche et les jeunes créateurs d’entreprises innovantes sont en pleine effervescence ! Pour les experts-comptables, cela représente une prodigieuse manne de clientèle. Mais encore faut-il savoir se positionner par rapport à ces entrepreneurs « pas tout à fait comme les autres… »

Des éléments de réponse ont été proposés à cet égard lors des Universités d’été de la profession comptable, dans le cadre d’une table ronde sur le thème : « Quel expert-comptable pour les startups ? » Le Monde du Chiffre revient sur cette question stratégique dans un Dossier Spécial Start-up avec trois éclairages au menu :

• Quelles sont les attentes des startupers vis-à-vis des experts-comptables ? (article déjà paru : à découvrir ou redécouvrir ici !)

• Comment séduire le « marché start-up » en tant qu’expert-comptable ? (article également paru)

• Quelle politique de prix adopter comme expert-comptable à l’égard des startups ?

 

Aujourd’hui, place au troisième et dernier épisode de notre Dossier Spécial Start-up :

 

Experts-comptables et startups : la question sensible du paiement des honoraires

 

Les startupers ont un profil un peu particulier : à la fois très gourmands en temps et en disponibilité à l’égard de leur « partenaire » expert-comptable, ils présentent aussi cette caractéristique (malheureuse) d’être souvent assez peu fortunés… du moins lors de la première phase d’amorçage du projet de start-up. Un écart préoccupant. Alors, comment résoudre l’équation et se faire payer dûment ses honoraires en tant qu’expert-comptable ? Des éléments de réponse ici…

Le startuper : un client compliqué…

Le startuper s’avère assez déroutant pour les experts-comptables. Sa culture de travail appelle en effet un haut niveau d’exigence en termes de temps passé et de disponibilité. Il mise sur la réactivité voire sur l’instantanéité (une réponse immédiate par SMS sera très appréciée par exemple...). Et en même temps, sa bourse n’est pas toujours au rendez-vous, souvent très appuyée sur le love money, c’est-à-dire les fonds consentis par la famille et les amis. Beaucoup de startups démarrent sans financement en amont ; elles débutent donc « comme elles peuvent ».

En ajoutant un dernier ingrédient, à savoir que la rentabilité du projet de start-up est souvent hasardeuse – l’idée même de business plan serait une « hérésie » pour ces jeunes entreprises – le cocktail peut s’avérer difficile à avaler, même pour l’expert-comptable le plus optimiste.

… Mais qui peut rapporter gros

Seulement voilà, les startups ne s’arrêtent sans doute pas à un tel portrait à charge. Elles peuvent également recéler un potentiel de croissance énorme – en principe, très supérieur à celui d’une entreprise classique – et déboucher ainsi sur une véritable mine d’or pour l’expert-comptable sachant identifier les projets d’avenir et s’y adosser habilement. 

Autrement dit, les startups méritent tout l’intérêt des professionnels du chiffre. Elles appellent seulement un positionnement adapté du point de vue de la question sensible des honoraires, sachant quoi qu’il en soit, que ces entreprises correspondront toujours à une certaine prise de risque.

Alors quelle politique de prix adopter à l’égard des startups comme expert-comptable ?

Le modèle de tarification devra prendre en compte ce profil particulier des startupers, à savoir des personnes exigeantes et peu fortunées mais promises à un avenir possiblement radieux ! Plusieurs pistes de réflexion ont été envisagées à cet égard lors des Universités d’été de la profession comptable.

expert-comptable-start-up-sandrine-cohen-solalLe témoignage de Sandrine Cohen-Solal, animatrice de la table ronde et surtout expert-comptable s’intéressant de près au marché des startups, mérite tout d’abord d’être souligné : « soyons clair, ce n’est pas sur les startups que nous gagnons le mieux notre vie, en tout cas pas en phase d’amorçage. » Il importe en ce sens de ne pas miser à 100 % sur les startups. Ainsi, le chiffre d’affaires du cabinet, issu des sociétés « classiques » de son portefeuille, pourra compenser utilement le manque à gagner éventuel, lié à la prise en charge de startups en phase de lancement.

Une autre piste envisagée lors de la table ronde consiste à moduler les honoraires applicables à chaque entreprise en fonction des informations disponibles sur celle-ci, selon une technique précisément utilisée par les startups, à savoir la gestion de la data.

La tarification pourra également suivre la courbe de croissance de chaque structure prise en charge par le cabinet. Un modèle pertinent s’agissant des startups. Ainsi, Sandrine Cohen-Solal de préciser : « j’augmente plus facilement mes honoraires avec les startupers qu’avec mes clients traditionnels. »

Plusieurs solutions existent à cet égard. Le différé de paiement en est une première, qui consiste à reporter le versement des honoraires à l’arrivée des premiers clients de la start-up. Mais sans aller jusque-là, il est intéressant de raisonner en termes de coûts d’acquisition client. Le manque à gagner lié à la prise en charge de la start-up s’interprète alors comme un prix versé par l’expert-comptable afin d’acquérir un client susceptible de rapporter par la suite un juteux chiffre d’affaires, via notamment les fameuses levées de fonds, avec des missions de conseil à la clé et des « honoraires non négligeables », précise Sandrine Cohen-Solal.

Le modèle décrit par Vincent Begluiti, expert-comptable et autre animateur de la table ronde, est également intéressant. Il travaille avec ses clients startupers sous forme de « contrats à durée déterminée », chaque lettre de mission précisant qu’au terme d’un délai de deux ans, une nouvelle convention sera conclue avec des conditions différentes (et bien entendu, plus avantageuses pour l’expert-comptable). Une autre manière de suivre la courbe de croissance de l’entreprise.

Pour conclure, il importe de signaler que malheureusement, la prise de participation au capital des startups n’est pas envisageable pour les experts-comptables, pour des raisons déontologiques, bien qu’il s’agisse d’un modèle de rémunération a priori séduisant pour accompagner de telles entreprises. Ce verrou mériterait peut-être d’être débloqué. L’option est en effet ouverte aux avocats ; elle a même permis à l’avocat d’affaires Marc Lipskier de remporter un prix de l’innovation du barreau de Paris.

Hugues Robert